J’ai hésité de longs mois avant de m’attaquer à l’écriture de cette publication. Déjà, parce qu’elle touche un sujet qui me concerne et que j’ai mis longtemps à assimiler, mais aussi parce qu’il y a tant de choses à dire que je ne sais même pas par quoi commencer, pour être honnête.
Je vous préviens d’avance, je parle de mon point de vue et ne suis en aucun cas un exemple parfait de la « particularité » dont je vais vous parler. Aussi, je ne parle pas de moi par narcissisme. J’aimerais juste que certaines personnes puissent se reconnaître et se sentir moins seules dans mes propos (en particulier les femmes, vous comprendrez pourquoi).
Quand j’étais petite, il y avait certains détails bien cachés qui pouvaient paraître un peu étranges aux yeux de ma famille :
J’étais très difficile pour manger (à tel point que j’en avais des troubles digestifs très jeune), c’était la croix et la bannière pour me faire avaler des médicaments et me laisser m’ausculter par les médecins, j’étais très timide avec les personnes que je ne connaissais pas, j’avais peur de beaucoup de choses…
Jusque là, on pourrait penser que j’étais simplement une enfant particulière, mais en réalité cela allait plus loin que ça.
Quand je suis entré au collège, c’est là que les choses ont pris un tournant. Je passais de plusieurs années à côtoyer des élèves que je connaissais très bien à un environnement plus grand où beaucoup de nouvelles têtes ont émergées. Ajouté à cela, les joies de l’adolescence et des règles très simples du collège : soit tu deviens populaire en écrasant les autres, soit tu te fais emmerder par les populaires… ou bien tu te fonds dans la masse tel un caméléon, en priant pour ne pas trop attirer l’attention (j’étais dans cette team).
Je faisais mon possible pour être la plus discrète possible, ne pas beaucoup me mêler aux autres et étais même prête à rester avec certaines personnes par dépit, simplement parce que je craignais d’être seule dans cette jungle remplie de spécimens dont j’avais du mal à comprendre.

C’est durant ces 4 années de collège que l’anxiété a commencé à prendre de l’ampleur. J’ai développé une peur irrationnelle des autres, peur d’être harcelée, d’être au centre de l’attention : la phobie sociale. Aller chercher une simple baguette à la boulangerie toute seule était devenu impossible, comme si un fil invisible me retenait de bouger.
C’est seulement quand j’ai changé de ville quelques années après, que j’ai pu souffler un peu. Mais juste un peu, parce que l’anxiété était toujours présente, malgré tout. J’ai réussi à finir mes années lycées sans trop d’encombre, j’ai eu mon bac… Puis je ne savais pas quoi faire de ma vie à cause de toute cette anxiété qui m’empêchait de faire plein de choses.
Je ne rentrerai pas dans les détails, mais les années suivantes ont été chaotiques : études inachevées, des mois d’errance sans chercher de travail parce que j’étais terrifiée à l’idée de travailler avec des gens, un diplôme finalement obtenu, puis la même problématique qui revenait : paralysée rien que de penser à travailler. Un cercle vicieux.
Plus le temps passait, plus j’arrivais toutefois à faire des choses que je ne faisais pas avant, à parler un peu plus facilement et à faire comme si de rien n’était. Mais parallèlement, un trou béant me grignotait de l’intérieur.
Même si on me disait que j’avais changé en bien, je savais que ce n’étais pas vrai en mon for intérieur. Oui, j’arrivais à me fondre, à prétendre, à être présente, mais au fond, ça n’allait toujours pas.
J’ai dû trouver un moyen pour travailler : être à mon compte. C’était une super expérience, j’étais relativement fière de moi car je faisais quelque chose qui me plaisait, à mon rythme, tout en étant dans ma bulle.
Durant cette période, j’ai fait beaucoup de travail sur moi-même qui m’a libérée et permis de m’autoriser un peu plus à être qui je suis… Mais il y avait toujours cette anxiété qui pesait comme un poids au quotidien. Finalement, j’ai dû cesser mon activité 2 ans et demi plus tard, et ai lentement perdu pied les mois qui ont suivis.
J’étais sans arrêt en colère contre tout et moi-même, perdue, au fond du trou. C’est donc vers la fin de l’année 2023 que j’ai décidé de revoir une psychologue.
Lors de la première séance, je lui ai parlé de toutes mes problématiques, de l’anxiété et de cette sensation de ne pas comprendre dans quel monde je vivais.
Puis elle m’a dit, à peu de choses près, ces mots qui ont tout changé :
« Vous avez un trouble anxieux généralisé lié à de possibles troubles autistiques, en tout cas tout ce que vous me décrivez y ressemble ».
Et effectivement, après plusieurs séances, le diagnostic s’est affiné et a éclairci toutes les zones d’ombre de ma vie. J’avais enfin compris pourquoi je souffrais depuis toutes ces années.
Il aura donc fallu 26 ans pour comprendre que je n’étais pas un monstre, comme je le pensais.
Au fil des années, je m’étais épuisée à tenter de rentrer dans le moule ou à me cacher pour passer inaperçue alors que j’avais un fonctionnement neuroatypique.
Aucun professionnel.le de santé ne m’avait jamais parlé d’autisme, malgré plusieurs psychologues et médecins de concertés depuis mon adolescence. Sans compter que les femmes autistes sont très peu diagnostiquées par rapport aux hommes.
Eh oui, une femme c’est sensible, timide et on lui apprend dès le plus jeune âge à faire attention aux besoins des autres, à ce qu’elle fait et dit, pour plaire et être bien conforme aux attentes (merci pas le patriarcat 💩). Donc forcément, elles sont moins prises en compte dans les diagnostics d’autisme parce qu’elles se camouflent plus facilement et n’ont pas forcément les mêmes caractéristiques autistiques que les hommes…
D’un côté, comprendre qui j’étais m’a donc soulagée d’un poids énorme, tellement, que toutes ces années d’anxiété, de doute, d’incompréhension et d’émotions refoulées ont cédées. Je n’étais pas folle, je n’étais pas un monstre ou un cas désespéré : J’étais autiste avec un trouble anxieux généralisé lié à cette condition que j’ignorais depuis tout ce temps.
Mais d’un autre côté, une tornade d’émotions est venue me frapper.
Très vite, c’est la colère qui est arrivée. La rage de ne pas avoir été diagnostiquée plus tôt, de constater que très peu de personnes ne connaît cet handicap dans le secteur médical, de comprendre, beaucoup trop tard, pourquoi certains événements se sont mal passés alors qu’ils auraient pu être évités…
Il y a aussi eu la tristesse et la frustration. J’avais passé tant d’années à cacher qui j’étais vraiment au fond de moi, à m’efforcer de me conformer aux autres, que savoir que je ne pourrai jamais être dans la norme m’anéantissait. « J’ai fait tous ces efforts pour rien », « ce n’est pas juste, pourquoi je ne peux pas être normale ? », « j’ai gâché tant de temps à m’épuiser pour rien » et j’en passe.
Enfin, il y a eu le fameux doute lié au syndrome de l’imposteur. « Et si je n’étais pas vraiment autiste mais simplement un peu bizarre ou que je me sois inventé toutes ces choses qui me caractérisent ? », « Et si j’avais un autre trouble ou que ma psy s’était trompée ? ». C’est cette phase qui a été la plus longue. Parce que même aujourd’hui, il m’arrive encore de douter parfois.
Au total, il m’a fallu environ 1 an pour accepter qui j’étais.
Je pense que témoigner à ce sujet, surtout en tant que femme, est nécessaire aujourd’hui. Parce que personnellement, c’est regarder des vidéos de femmes autistes qui m’a beaucoup aidée à me comprendre, me sentir comprise et surtout moins seule.
Terminer cette lettre est un soulagement pour moi. Je voulais l’écrire depuis tellement de temps, mais je ne me sentais pas prête à délivrer cette partie de moi qu’il me fallait apprivoiser. Mais maintenant que c’est fait, je suis libérée.
Je suis telle que je suis et je peux désormais tourner la page.
Je vous remercie de m’avoir lue jusqu’ici et espère vous retrouver bientôt entre les lignes de La Plume Neptunienne… 🪐
Merci de ton témoignage et de ta confiance en nous le partageant.
Il est vrai que même si l'on n'est pas un diagnostique, c'est primordial de pouvoir poser un mot sur ce qui se passe en nous. Quand mon fils a été diagnostiqué TDA, on a pu enfin faire comprendre et mettre en place les "actions" quotidiennes appropriées